Conflits d'Ancien Régime

A partir du XVIème siècle, un peu partout en France le peuple s'oppose aux seigneurs car ceux-ci exercent une tutelle d'autant plus pesante qu'elle est locale. Les cahiers de doléances de 1788/1789 montrent au contraire un faible contestation du Roi, plus lointain.

A Écoche aussi les contestations du pouvoir seigneurial existent


1775, un exemple de conflit récurrent dans la France d'Ancien Régime

Transcription d’un procès-verbal dressé en 1775 par le garde du But et écrit par un greffier sauf la ligne rajoutée écrite de façon tremblotante et non droite par le garde lui-même.

 Médiathèque de Roanne 20 F / 20 / 4 / 7

  Je, Pierre Forest garde des bois, chasse et pêche des terres et seigneurie d’Arcinges, Estieugues, le But et dépendances reçu en justice desdites terres et seigneurs demeurant en la paroisse d’Écoche soussigné certifie que sur en viron les cinq heures du soir de ce jour, faisant ma ronde dans les bois pins et pinots du But situés dans la paroisse d’Écoche susdite, justice de ladite seigneurie d’Arcinges, joignant les bois du sieur  Claude Lebreton de matin, les  terres de ceux de Montbernier de midi, soir et bize : là étant j’ai découvert une vingtaine de bêtes vaches veaux et génisses appartenantes à Jean Auvolat, Louis Chervier et André Berthier, laboureurs demeurant au village susdit de Montbernier paroisse de Coublanc gardées dans lesdits bois pins et pinots par un garçon domestique dudit Auvolat et un de ses fils  âgés l’un et l’autre d’environ 12 ans, par Goton et Pierrette, belles-sœurs et domestiques dudit Chervier et par une tante dudit Berthier et autres personnes à moi inconnues. Duquel bétail m’étant approché pour le saisir et faire le devoir de ma charge, lesdits pâtres  l’ont emmené de dedans lesdits bois dans lesdits pâquiers de Montbernier avant que je fusse auprès ; et ayant continué mon chemin pour visiter le lieu et la qualité du délit que pouvait avoir fait ledit bétail bouvain, j’ai trouvé dans le même lieu d’où ledit bétail était sorti au-delà de cent vingt tant moutons que brebis et suivans le tout appartenant aux sus nommés et autres habitants de Montbernier et gardés par les susdits pâtres et bergers ; lesquels moutons voulant rassembler, saisir mettre en pâture et faire autres actes de ma charge, lesdits pâtres et bergers aidés de leurs chiens les ont dispersés et emmenés à travers les dits pâquiers de Montbernier. Ce que voyant je leur ai déclaré que j’allais dresser procès verbal du tort sommé leurs maîtres susdits en leur portant d’y assister si bon leur semblait ; à quoi ont répondu qu’il y avait peu que le bétail et lesdits moutons y étaient et ne faisaient aucun mal et se sont promptement retirés en chassant ledit bétail du côté du susdit village de Montbernier.

 Retourné sur les lieux pour visiter le délit, j’ai trouvé beaucoup de petits pins de la hauteur de un, trois, quatre pieds broutés et rongés en tête, découronnés, la sève suintant par la rupture ; une grande quantité d’autres pins défensables dont les branches pendantes et à portées étaient pareillement broutées. Et encore plus de jeunes reveaux failés arrachés et écorcés, le local au surplus peu étendu et de la contenance d’environ deux à trois mesures dans un endroit où quelques années auparavant il y avait un vierre et ne se trouvait encore encore aucun arbre défensables mais tous de la hauteur de cinq à six pieds au plus ; et ayant attendu encore le soleil étant prêt de se coucher, lesdits Auvolat, Berthier, Chervier et autres habitants ne venant point je me suis retiré et dressé le présent procès verbal pour servir et valoir ce que de raison. A Écoche le mercredi 1er mai 1775.

  Japrouve les seiz monts raiets Forest

 

Ce texte décrit une scène facile à se représenter. Elle montre :

 

-un type de « conflit » fréquent dans l’Ancien Régime, les paysans demandant le libre pacage dans les forêts seigneuriales

 -la garde d’un troupeau qui paraît collective assurée par des enfants et des femmes

 -la volonté du garde de charger les coupables : dénombrement des troupeaux sans doute surévalué,  exagération-hésitation sur l’ampleur des dégâts qui se traduit par le remords de la partie rayée

 -connaissance du nom des personnes montrant l’implantation locale du garde qui sait certes écrire mais assez mal

 -précisions du texte pour en imposer, ce qui est courant pour les hommes de loi : lesdits, susdit, ma charge, etc...

 -l’emploi d’un vocabulaire certes clair mais parfois d’usage local : les pinots, les reveaux*, le vierre**, les arbres défensables*** ; et comme l’usage en est longtemps resté le terme de village à peu près ici équivalent à hameau.

 -tous les noms de famille cités sont encore des noms bien présents dans la contrée : Forest, Lebreton, Auvolat, Chervier, Berthier.

 -Le But est depuis le XVIIème siècle un fief dépendant de celui d’Arcinges suite à transaction (1). Le seigneur d’Arcinges est aussi seigneur d’Estieugues par mariage mais cela ne signifie aucunement que le But dépend d’Estieugues. Ce seigneur réside alors à Montceaux l’étoile dans l’actuel département de Saône et Loire.

 

* Reveaux = peut-être plants

 ** A Saint Victor sur Rhins on trouve encore un lieu-dit Vierre ; peut-ête lieu humide ?

 *** Des arbres plus hauts et théoriquement (définition des forestiers) pouvant laisser paître les troupeaux en-dessous

Sur Cassini, on voit bien que les bois du But sont sur les limites des paroisses.

Ci-contre sur une carte de 2018 on peut reconstituer en violet la distance -à vol d'oiseau 670 m- parcourue par le troupeau et en orange le retour du garde vers le château du But (400 m en ligne droite). Mais vu les pentes......

 

Un tableau de Fragonard donne une image idyllique de pâtres jouant de la flûte



(1) Depuis quand le seigneur d'Arcinges est-il aussi seigneur du But?

La réponse est rien moins que sûre. D'une part le site très sérieux d'Armand Accary évoque la date de 1559. Mais en 1621 Renée de Rochefort veuve de Godefroy de Boletière est toujours dame du But quand elle se remarie. Il semblerait donc que dans un premier temps les seigneurs d'Arcinges aient pris (acheté?) des droits seigneuriaux du But (justice) mais pas le titre ni le fief. Et même en 1659 la dame du But défend ses droits par l'intermédiaire d'Henry Destre juge en la juridiction d'Arcinges et Escoches contre les habitants d'Écoche représentés par Anthoine Desportes, Adrien Marchand, Anthoine Fillon, Anthoine Auvolat, Claude fils de Benoist Cuchère, Estienne Buttin (ou Butty) et Jeanne Dubost veuve Lachassagne. En fait le fief du But ne s'étendait pas sur l'ensemble de la paroisse d'Escoches (Rottecorde par exemple ne devait pas en faire partie).

Voici ce que nous apprend le site d'A Accary à cette page : http://aec.accary.free.fr/index.php?page=Seigneuries

 

Notre histoire des familles de la région débute en fait au moment où nous disposons d'archives, c'est à dire au début du XVIè Siècle. À tout seigneur, tout honneur, commençons donc par la famille d'Amanzé. En 1510 naquit François, fils de Jacques, le rénovateur du château de Choffailles. François d'Amanzé épousa en 1540 Françoise de Choiseul de Traves, il mourut en 1558. Un frère de François nommé Jehan fut Chanoine-Comte de Lyon. Les deux frères ont commencé à rassembler des terres autour d'Arcinges et d'Écoches d'une part, de Chauffailles de l'autre. C'est tout du moins ce que nous apprend la lecture des actes du fonds de la famille de Vichy, déposés à la médiathèque de Roanne. (côte 20 F)

 

Les seigneuries réunies : Arcinges et Écoches

 

En 1527 existait sur les coteaux de la paroisse d'Écoches le beau fief du But ; une maison forte surveillait l'accès aux domaines des Sires de Beaujeu qui étaient à Cours et Thizy. Ce fief allait tomber en déshérence lorsqu'une Damoiselle de Moncreux(1), nièce du Seigneur du But signa avec Jean de Saint-Aulerc,(2) seigneur d'Arcinges un acte par lequel elle se déchargeait du fief du But. Le domaine passa au seigneur d'Arcinges qui laissa certains privilèges, notamment un droit de Chasse aux descendants du Sieur du But, à condition que ces derniers fussent nobles et vivent noblement. Le fief du But, quoique modeste, englobait probablement les terres situées au sud de la route de Cadolon à Charlieu, les limites remontaient au pied de la combe appelée du Plat ou de la Brossille, contournaient les maisons du But, au delà de la Chaussée de l'étang de l'ancien Moulin et rejoignaient le chemin de Cadolon à Écoches.

 

En 1557, ce fief était passé dans les biens de Jehan d'Amanzé, alors Chanoine-Comte de Lyon. Un conflit survint à propos de la justice, des droits d'imposition (cens, servis, lods) de clôture d'un chemin et également du droit de chasse accordé à François de Rouchmol,(1) Sieur du But. Le conflit fut arbitré à l'amiable et l'accord garanti par des arbitres qui reconnurent au Sieur du But le droit de chasse aux lièvres et perdreaux, uniquement avec lévriers et oiseau. Le fief fut déclaré rattaché au Terrier d'Arcinges. Parmi les arbitres nommés étaient Marc de Chantemerle, baron de La Clayette, Marc de Coligny, baron de la Motte Saint-Jean, ainsi que Dom Girard Loys chambrier de Charlieu et Loys de la Rivoire (3), bourgeois de Charlieu.

 

De 1572 à 1576, la peste noire ravagea nos contrées, Les guerres de religion furent aussi la cause de grands malheurs. En 1567, Poncerrat passa à Belleroche et Belmont avec 5000 hommes pour aller dans le Roannais. En 1570, le calviniste Briquemont s'empara de Thizy mais échoua devant Cours et Charlieu ; ce fut Louis de Damas, seigneur d'Estieugues à Cours qui le repoussa à la Croix de la Fin, entre Arcinges et Écoche. Un grand nombre d'habitants disparurent suite à ces fléaux. La pauvreté s'installa, ce fut alors l'occasion pour nos seigneurs d'accroître leurs domaines.
En 1576, Guillaume de Fougerard, curé d'Arcinges rachète pour le compte de Jehan d'Amanzé les biens sis à Écoches des Bosland dits de La Val, héritiers de la famille Plassard, lieu dit Laval. Il s'agit encore d'une maison avec cour, grange, étable et de nombreuses terres, le tout pour la somme de 200 Livres Tournois. Les témoins sont Philibert Magnin, Claude, fils de feu Antoine Puillet, Noël, fils de feu Etienne Aupol de Belmont et Gabriel Cuo, clerc de Thizy.
En 1587, Guillaume d'Amanzé, fils et successeur de François dans la baronnie de Choffailles en profita pour racheter, pour le compte de son oncle Jehan, encore le Chanoine-Comte, les biens de la famille Fonterest à Écoches. Tous les bois des Carets, les Gouttes, du Cloux furent acquis pour 280 écus.

 

(1) sur les actes les noms sont difficiles à déchiffrer ; on peut lire aussi Françoise de Macreux ou de Mouscreux ou de Maulcreux ; elle est la femme d' Antoine de Ronchivol seigneur de Pramenoux. Ndlr.

(2) Dans l'acte du 10 mars 1527 (20F/20/6 dans les archives du fonds Vichy) on peut semble-t-il plutôt lire Messire Jean de Saint-Aulaire. Il s'agirait donc d'un membre de la célèbre famille Beaupoil de Saint-Aulaire dont on sait par ailleurs qu'elle fut possessionnée à Arcinges. Un acte  de 1496 (fonds Vivhy de la Médiathèque de Roanne) situe la prise de pouvoir de la seigneurie d'Arcinges par M de Ste Aulaire à la date du 3 juin 1496. voir héraldique.

Le début est ainsi rédigé "transaction entre noble Messire Jean de Saint Aulaire chevalier seigneur d'Arcinges d'une part et Demoiselle Françoise de Maulcreux, femme de noble Antoine de Ronchivol seigneur de Pramenoux d'autre part"

(3) Il est probable que la famille de Rivoire possédait à Écoche des biens puisque en 1663 meurt à Écoche Louis de la Rivoire, sa soeur ayant épousé le notaire Deschezeaux (Jean ou Claude?)


Quelques autres conflits :

-En 1771 un laboureur Mathieu Magnin, d'Arcinges est condamné à payer  120 Livres (somme importante) "pour l'amende résultante des quatre vaches et deux boeufs qu'il a menés paître dans le bois appelé Goutaillon suivant le procès verbal dressé par le garde du seigneur en date du 5 juillet de ladite année" Le Goutaillon, lieu-dit d'Écoche entre le Coucou et la Croix de la Fin.

-En1714 Marie Anne Rollin (la seigneure) attaque  en justice Anne Boisson veuve de Claude Destre.

-En 1691 le seigneur du But réclame à des habitants de la Cuchère une "reconnaissance et égalation de pension"

Par devant le notaire royal soussigné sont comparus Antoine Butty, Antoinette Joannard veuve Benoist Dumont, Estienne Poncet et Claude Joannard, personnes de labeur du village de la Cuchère paroisse d'Escoches lesquels de leur plein gré ont confessé et reconnu que de la pension adjugée à dame Renée de Rochefort dame du But par sentence du sieur juge d'Arcinges et Escoches du 15 janvier 1659, signée Thivend greffier, ledit antoine Butty en doit annuellement deux sols six deniers trois  coupes seigle et une mesure avoine, le tout mesures de Charlieu et le quart d'une géline. Ladite Antoinette Joannard aussi annuellement deux sols six deniers trois coupes seigle et une mesure avoine le tout mesures de Charlieu avec le quart d'une géline. Ledit Poncet de même annuellement trois sols neuf deniers une mesure coupe seigle et avoine une mesure et deux coupes et les trois quarts de la moitié d'une géline. Et ledit Claude Joannard 1 sol 3 deniers seigle une coupe et demie avoine deux coupes et un huitième d'une géline, laquelle pension ils promettent, payer au sieur du But et aux siens annuellement et perpétuellement à chaque fête St Martin d'hiver obligeant tous leurs biens et pareillement leurs héritages sur lesquels la dite rente est affectée et commise sont spécifiés par les précédents titres (?) d'icelle, ayant déclaré ledit Poncet que les arrérages de sa portion jusque à la prochaine fête St Martin d'hiver ils doivent être payés et acquittés par Benoist Auvolat suivant la transaction entre eux passée ce jourd'huy devant le notaire soussigné le tout (illisible) a été  accepté par le sieur Claude Vaginay ci présent fermier dudit But et le tout avec promettent, obligent et soumettent et (illisibles) fait audit Escoches, maison du sieur Larrat après-midi le 25 septembre 1691  présents ledit Benoist Auvolat laboureur de Coublanc Jean Guyot maréchal dudit Escoches et Claude Thivend laboureur de Belmont, témoins n'ont pas signé. signé Vaginay et Boisson notaire royal