Les actes notariés sont une source très intéressante pour connaître les Écochois du XIXème siècle. Beaucoup de ces actes sont conservés par les familles des descendants sans grande utilité si ces actes ne sont pas publiés pour connaître ce passé ; il y a souvent une réticence à les montrer par peur de dévoiler leur contenu. Certes tous ne peuvent être dépouillés, sauf pour une histoire quantitative à partir des archives notariales..

On en a transcrit un qui date de 1828 et qui relate un partage de propriété à Lachal entre sept héritiers et leur mère. voir cette copie : partage Lefranc 1828.

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partage Lefranc 1828
le terme "répéter" et "répétition" a ici valeur juridique : dans le langage juridique, le mot "répétition" est employé dans son sens latin. Il s'applique au droit qui appartient à quelqu'un d'obtenir le remboursement de la valeur.
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 Ce partage est celui d'une famille de paysans-tisseurs, dont la propriété partagée n'excède pas 2 hectares.

Bien que l'acte soit passé chez un notaire de Belmont, à la lecture on a presque l'impression d'une réunion informelle qui rend "vivants" les échanges, m^me si tout est préparé et, semble-t-il, le tirage au sort n'a rien d'aléatoire.

Quelques remarques :

       -Le fils aîné, Jean, a reçu un quart au moment de son mariage. Est-ce une sorte de droit d'aînesse? En quelque sorte, droit prévu dans le code civil sous le terme (ici employé)  de préciput.

Au sens matrimonial : il s'agit d'un avantage matrimonial conféré par contrat de mariage à un époux survivant consistant, pour son bénéficiaire, dans le droit de prélever avant tout partage, sur la masse commune, lors de la dissolution de la communauté, un bien déterminé ou une somme d'argent (articles 1515 à 1519 du code civil). Au sens successoral : avantage consistant pour un héritier qui bénéficie d'un legs de retenir le bien légué en plus de sa part, sans le faire réintégrer dans l'assiette successorale lors du partage de la succession (article 843 du code civil).

 

        -Les sept enfants encore vivants sont nés en 1789, 1791, 1799, 1801, 1804, 1807 et 1810 ; le mariage ayant eu lieu en 1786, après que le père ait été veuf d'une première et courte union. Ni le père ni la mère ne sont natifs d'Écoche (St Igny et Cours). Que sept enfants arrivent à l'âge adulte -ils vont tous se marier et avoir une descendance- explique alors l'augmentation de la population d'Écoche, comme de la France. Mais la "sacralisation" de la petite propriété amène au morcellement de celle-ci, parfois de façon caricaturale comme ici où l'on divise les pièces en construisant des murs mitoyens!. Effectivement si certains vont habiter ailleurs (Jean à Cours puis Mardore), plusieurs vont occuper ces petits logements, comme on le voit nettement sur le plan cadastral de 1833. A tel point qu'on parlera parfois (dans des actes de l'époque) de village des Lefranc. Plus tard les petits-enfants s'égaieront dans d'autres hameaux ou communes jusqu'à ce que, à partir de 1890, l'un d'eux en reprenne possession -très progressivement- regroupant par achats successifs ce qui avait été partagé, du moins ce qui restait en état. On commençait à voir la population d'Écoche se stabiliser puis diminuer. A sa mort en 1921, les bâtiments sont abandonnés, puis deviennent ruines (signalées sur la carte IGN de 1950) et enfin le tas de pierres a fini par disparaître sous la végétation.

           -L'inégale superficie des lots s'explique par l'inégale et très mauvaise qualité des terres, maigres, en pente, exposées au nord-est, tout juste bonnes pour un peu de seigle et de pommes de terre, humides (d'où la possibilité d'irrigation) et aujourd'hui partiellement abandonnées aux friches, à un peu d'herbe et aux plantations de quelques frêles douglas.

          -Le petit hameau de Lachal est souvent rattaché au village Chez forest ou au hameau de Bruyères ; mais ici à la Quichère, proche.

          -Touchant (mais sans doute courant) est le geste des enfants qui assurent une rente à leur mère. Elle survécut encore six ans après le partage, décédée à l'âge de 67 ans. Nul doute que les enfants ont fait dire des messes pour le repos de son âme. A l'occasion d'un partage matériel, on comprend aussi dans quel univers religieux pouvaient vivre ces tisserands, fileurs de coton.

        -Les servitudes nécessaires pour pouvoir circuler, boire, se laver, irriguer, sont importantes, contraignantes  et furent souvent à l'origine de tensions entre les descendants, parfois réglées devant le juge de paix de Belmont.

          -Le chemin a depuis disparu lorsqu'au milieu du siècle on construisit un peu plus à l'est la route de la Bûche.

          -On peut être surpris par le droit de passage des chars seulement tous les 2 ans. Sans doute cela tient-il à l'assolement : l'année où on cultive du seigle, la charrette peut être nécessaire pour les gerbes ; l'année suivante le ramassage des pommes de terre pouvait aller se faire à pied (passage à talons). Et l'on ne devait guère transporter de fumier vu le peu de bétail contenu dans une demi-écurie (étable). Bref un travail manuel, simple complément nourricier du tissage à bras dans les demi-boutiques!

            -Anecdotique mais lié à ce partage : un petit bout de terre fut occupé au XXe siècle par le célèbre ermite d'Écoche, Il était le petit-fils de Claude-Marie Lefranc.


Le petit hameau des Lefranc en 1833